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Petite caractérologie des hommes politiques : suite et fin.


On le devine au vu de la typologie qui précède : les partis politiques ne trouveront leurs véritables amis et défenseurs que chez ceux qui correspondent au profil des “diplomates”. Ces derniers s’épanouissent dans les couloirs, les recoins et les buvettes, ceux des assemblées parlementaires comme ceux des partis politiques, ils s’y ébrouent, ils y ont toutes leurs aises. Ils se plaisaient, d’ailleurs, tout aussi bien jadis, dans ces hauts lieux du combat et de la convivialité politiques que furent en leur temps les salons aristocratiques et les dîners en ville pour les uns, les préaux d’école et les banquets républicains pour les autres. Malheureusement pour eux, les temps ont changé et l’art de récolter les suffrages lors de rencontres directes ne s’exerce, sous la Ve République, qu’en des espaces de plus en plus rares et resserrés et, en tout cas, à l’extérieur des partis. Les purs “diplomates” que comportent ces derniers sont donc les seuls qui s’attardent encore dans les couloirs de leurs sièges désertés, répondent aux convocations et émargent aux feuilles de présence.

Ces pauvres purs “diplomates” ne peuvent pas compter, pour assurer la survie d’une vie partisane qui leur est chère, sur le soutien que pourraient leur apporter “gestionnaires” et “visionnaires”. Les premiers aiment travailler dans leurs bureaux portes fermées, et considèrent comme perdu le temps passé, dans les couloirs, en bavardages et en intrigues. Les seconds, sur qui n’ont de pouvoir que les idées sorties du fond d’eux-mêmes, ne se résignent à supporter le poids d’un parti politique que s’ils y sont contraints par les règles du jeu institutionnel.

“Gestionnaires” et “visionnaires” n’iront pas davantage au secours des partis pour faire plaisir à leurs petits camarades “diplomates”. Ces derniers ne trouvent pas grâce aux yeux des des “gestionnaires” car, servant de relais à des foules craintives et à des intérêts lésés, ils sont par eux-mêmes un obstacle à l’action réformatrice. Aux “visionnaires”, Ils ne sont utiles qu’en guise de marchepied ; une fois le pouvoir conquis, ils sont relégués dans des assemblées sans pouvoir, à moins qu’ils ne se révèlent, par les qualités de gestionnaire qu’ils peuvent avoir par surcroît, aptes à faire tourner un gouvernement, un parti ou une administration. Napoléon, dans cette mesure, utilise Talleyrand et de Gaulle Pompidou ; Hitler se sert de la cordialité et l’entregent d’un Göring comme d’un complément utile à sa propre sauvagerie. Mais au fond les “diplomates” sont méprisés des “visionnaires” et ils sont tôt ou tard écartés par eux au profit d’un “gestionnaire” froid et dévoué : Maret et Caulaincourt remplacent Talleyrand, Speer et Himmler renvoient Göring à ses collections d’oeuvres d’art. “Gestionnaires” et “visionnaires” s’accommodent au demeurant fort bien de la tranquillité que leur offrent les dictatures.

Ainsi sommes-nous entrés, avec l’élection du pur gestionnaire qu’est Emmanuel Macron, dans une époque analogue à celle dans laquelle la France est entrée en 1840. La vie parlementaire n’y était plus, au grand dam de Rémusat et de Tocqueville, qu’un théâtre d’ombres jouant la comédie devant un public assoupi. Le coup d’Etat de 1851, mettant un terme à cette représentation, avait, durant 20 ans, placé en chômage technique la plus grande partie du personnel politique : non seulement les purs “diplomates” que comportait en nombre le mouvement orléaniste, mais tout aussi bien les “gestionnaires” efficaces et pragmatiques à la Thiers. A ces derniers, en effet, Napoléon III n’a eu aucun mal à trouver des successeurs. (des “gestionnaires”, on en trouve toujours !). Et quant aux “visionnaires”, Napoléon III constituait lui-même la preuve que ce n’est jamais au sein d’un parti ou d'un groupe parlementaire qu’on les recrute.


A moins que ne soit adoucie la loi sur le cumul des mandats électifs, les partis politiques paraissent donc condamnés à une existence de plus en plus vaine et spectrale. Les professeurs de science politique continueront à les décrire comme un rouage essentiel du système représentatif. Ils subsisteront formellement, sur la base de leurs sections locales et de leurs comités directeurs, de leurs trésoriers et de leurs fichiers d’adhérents. Ils continueront même à délivrer des investitures pour les élections nationales. Mais il est à craindre que les débuts hésitants du mouvement “En Marche” ne couvrent durablement d’un voile de grisaille et de médiocrité l’activité parlementaire pour laquelle seule l’existence de partis organisés se trouve encore nécessaire.

Les partis politiques se sont, en tout état de cause, toujours su mortels et, en France du moins, pas très populaires. Ils savent maintenant qu’il sont inutiles même à leurs dirigeants.



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